De concerts et même trois, la semaine passée.
Pas vraiment complètement raisonnable vu mon état vacillant mais d'abord, ces petites choses coûtent une fortune que je n'avais pas envie de sacrifier, en plus du plaisir d'y assister ; j'ai passé l'essentiel du temps non travaillé roulée en boule sous ma couette, ou alors à manger des moules gratinées, j'ai décidé que ça faisait partie de "prendre soin de moi" et que j'aviserai l'un après l'autre si je me sentais en état et si je pouvais m'y rendre dans des conditions ok[1].
C'est ainsi que j'ai pratiqué avec assiduité le sport de haut niveau : arriver à l'ouverture des portes pour m'installer peinardement. Assise. Oui, la déchéance de Mamy est entamée. Repartir en taxi, pour le premier. Enfin bref, aller au concert comme si j'avais 92 ans. On s'en fout, j'avais de la lecture pour patienter.
J'ai pris ma place pour Tamino un peu tardivement. Je ne pensais pas du tout y aller et puis il a annoncé Searows en première partie et bim, me voilà. J'ai découvert Searows au hasard d'une playlist indie sur Deezer, il s'est passé un truc instantané, entre sa musique et moi. Il venait de jouer à Paris, zut, loupé. Cette fois-ci je tenais mon occasion et vas-y pour l'Adidas Arena toute neuve.
J'ai découvert dans la salle que la catégorie 1 était fort étendue et que je ne verrai ma pépite qu'au format miniature. Il n'empêche qu'il a mis 8 500 personnes d'accord en quelques notes. Un mec dans la fosse lui a dit entre deux chansons : "That was sick, mate", et ça résume à peu près tout.
Le gamin, à la fois gracieux et fragile comme un poulain juste levé, a enroulé le public autour de son petit doigt, timide et résolu, impression par sa toute première grosse scène, content d'être là.

Il a terminé par une reprise de Pete Seeger en parlant de folk et de résistance, ça a fini de l'ancrer dans mon coeur pour toujours, même si je pense que j'étais la seule personne de la salle à savoir qui était Pete Seeger. Ca m'a permis de dispenser un cours d'histoire de la folk et de parler de lui, Woodie Guthrie, leur influence sur Dylan à des gamines derrières moi (qui ne savaient pas qu'il y avait des premières parties aux concerts).
Et puis Tamino, j'aimais beaucoup quelques chansons, mais trouvé des inégalités dans ses albums. Le mec est irrésistiblement sympathique (d'autant que ma grand-mère était semi belge et qu'elle a vécu en Egypte, ce qui fait de lui quasiment quelqu'un de la famille) et visiblement heureux d'être là, communiquant, charismatique. Il fait partie de ces gens qui ne font pas de la musique mais qui en sont faits, elle s'écoule de leur voix, de leurs doigts et ça irradie sur scène, je n'ai pas vu le temps passer pendant son set.

J'ai peur qu'on ne le revoie plus beaucoup sur des scènes relativement petites (l'Adidas Arena c'est un gros Zenith, ma limite est à Bercy, plus jamais les trucs à 40 000 places, merci bien). Sauf s'il arrive à imposer ça, mais hey. Il ne reste qu'un humain. Quoi qu'il en soit, belle soirée, si on excepte l'absence d'écran pour la première partie et cette fâcheuse mode des éclairages de concert façon tout dans la gueule du public, rien qui permette de voir les artistes (car si je prends la peine de traîner mon cul dans des foules denses, c'est pour les voir, un peu, quand même, voyez-vous). Je me souviens m'être dit : les gars, avec ce qui vous coule dans les veines, je ne suis pas sûre que vous serez éligibles au grand bonheur, mais vous en ferez des choses sublimes, du reste, alors merci.
Deux jours après c'était Wet Leg à l'Olympia. Il faut savoir que je déteste l'Olympia car, depuis les balcons et même les derniers rangs de l'orchestre, on ne voit pas bien la scène, particulièrement depuis l'angle des balcons où des rangs de gens de l'orchestre se lèvent et sont rejoints par les gens qui s'entassent au débouché des escaliers, juste devant nos nez, en somme.
Or, c'est toujours là que je finis par atterrir. En l'occurrence j'avais, initialement, pris une pace en fosse. Mais il était évident que je ne tiendrais pas debout, donc j'avais réussi à échanger mon billet avec un gars et je me suis retrouvée... à regarder le cul de 7 à 8 rangs de spectateurs.
Première partie : Faux Real, j'ai détesté. Je ne vous mets même pas de lien, les masochistes iront trouver tout seuls. Il faut dire que je ne suis pas tellement d'humeur pour la rigolade, ces jours-ci, et que là, on tient un groupe qui doit tenir une place de choix dans le coeur de mes collègues fraîchement émoulus d'écoles de commerces. Pop sans intérêt musical, attitude barrée mais faussement détachée. Les mecs très fiers d'eux, moi au supplice pendant une demi-heure. Mais qu'est-ce qu'une demi-heure à l'échelle cosmique ? Queud.

Me voici, dents serrées mais déter, sur le point de découvrir Wet Leg sur scène.
Ah non.
Y a des gens debout. Je me lève par intermittence, le temps d'une photo, de voir un peu mieux, mais les lumières (encore une fois : tout dans la gueule des spectateurs, groupe en ombre chinoise pendant les 2/3 du set) et la chaleur de la salle me font me rassoir assez vite.

J'ai donc entendu Wet Leg sur scène. C'était propre, énergie démentielle, les titres attendus sont dans la set list. Bon, ils étaient en retard parce qu'ils s'amusent à tourner leur clip entre deux concerts de la tournée, ou qu'ils avaient autre chose à foutre et que visiblement, rien à battre d'être attendus. Rien à battre de nous dire qu'ils sont contents d'être là, non plus. Paris, Amsterdam, le salon de leur grand-mère, même combat. Ca m'a fait penser à un concert de Madness vu il y a quelques années, les mecs déroulent le format attendu et se cassent sans un mot. Et ben pareil. Une heure et quelque après la première note, il y a eu la dernière, ils se cassent sans un salut, Avril Lavigne accompagne le retour des lumières, c'est tout.
Autant dire que j'aurais passé une meilleure soirée avec une playlist sur mon canapé. Retour à la maison déçue, frustrée. C'est pas pour ça que je vais en concert, en fait, allez demander à Nick Cave, les gens, comment on fait pour captiver les foules.
C'est comme ça. Ca ne peut pas marcher à chaque fois. Et on ne cherche pas tous la même chose dans la musique.
Et puis jeudi dernier, Perfume Genius au Trianon. J'étais contente de finir par une toute petite salle, mais sans appareil photo car le sujet est de plus en plus chiant et, comme on ne laisse pas Bébé dans un coin, je ne laisse pas mon Leica à la consigne.
La première partie, Hand Habits, est le projet muscial d'un des musiciens de Perfume Genius, on va donc le voir toute la soirée.

Le dernier album, sorti cet été, se laisse écouter gentiment, on passe un joli moment (je suis assise, bien placée, dans un courant d'air, certes, mais je vois la scène, les artistes, tout ça). Ma voisine prenait l'air pincé pour dire qu'elle aurait aussi bien pu être en retard, juste avant qu'il ne lance un très sarcastique "Merci d'être venu à l'heure" à des gens qui s'installaient encore, ça m'a fait glousser. Bref, un bon moment sans complication.
Et j'ai aimé de la première à la dernière note Perfume Genius dont j'avais adoré l'album Glory sorti il y a quelques mois.

Je suis assez dépitée de constater une fois de plus que, dans le monde de la musique, la corrélation entre forme physique et substances consommées soit l'inverse de la vie réelle (je veux dire : je bois peu, je ne consomme pas de drogues et je suis infoutue de faire le début de la queue de la moindre reptation de Mike Hadreas mais d'abord grand bien lui fasse et ensuite, on n'est pas là pour être jaloux. Jurisprudence Keith Richards et toutes ces sortes de choses.
Bon, théoriquement, lundi je dois aller voir une autre petite pépite envoyée par Deezer au Trabendo, mais je ne suis pas en état.
En allant de concert en concert je pensais au diptyque de billets chez l'ami Tomek qui en parlait récemment (de ceux qu'il voit, pas de ceux qu'il donne)
Ca fait quoi ? Un an et demi que j'ai renoué avec ce plaisir d'aller voir/écouter de la musique live, et pour la première fois depuis longtemps j'ai la main sur la programmation, quel bonheur ineffable. Et pourtant, il y a plein de choses qui m'agacent.
- Clairement, prendre des photos devient un plaisir de plus en plus rare. De plus en plus de salles interdisent les appareils (et non, les smartphones, c'est pas pareil, même si ça permet de garder une "carte postale" de l'instant.
- Le public jeune des concerts est très différent de ma génération. Il a fallu que je retienne des gamins de partir lors du concert de Nick Cave à la Philharmonie, cet été, ils ignoraient le concept de rappel. Or, ce rappel (5 chansons, pas moins) était clairement la partie la plus forte du concert.
- Ceci dit, on les comprend, ça fait deux fois en un mois que je vois un groupe se casser une fois le dernier morceau fini, sans rappel. Ou le rappel intégré à la set list, mais bon, c'est pas le rituel, les gars. Et j'ai vu une vidéo de Tamino expliquer le principe : on va faire semblant de partir mais on revient, j'ai encore deux chansons à jouer. C'était le cas aussi avec Perfume Genius qui a annoncé qu'il restait deux chansons. Ok, les temps changent mais ce changement là, il me rend un peu triste.
- Les prix, mazette. Sur les trois ci-dessous, les tickets s'étalaient de 30 à 70 balles, c'est celui le moins cher qui m'a offert la meilleure place. On ne parle même pas du merch. Que personne ne s'attende à ce que je lui offre un hoodie à 75 putain de balles. Ou un t-shirt à 35.
Alors je me cherche une martingale. Parce qu'évidemment, il faut faire des choix et c'est compliqué d'arbitrer. Pas de stades, déjà, mais même si j'ai adoré le dernier album de Wet Leg, par exemple, j'aurais fait l'impasse si j'avais su. Je viens vous voir pour apprendre un truc sur votre musique que je ne savais pas déjà, les gars. Donc il va falloir se fader des centaines d'avis de gens qui ne pensent pas comme moi pour faire mes choix ? Ou accepter le risque mais j'ai un peu passé l'âge pour ces conneries (je dis ça à chaque fois et puis...)
Bref. Il n'existe pas de bonheur parfait.
Note
[1] Par condition ok j'entends : m'y rendre et en revenir, y assister sans risquer d'être prise d'un vertige qui me laisserait par terre, écrasable par la foule



