Gros vertige en rentrant ce soir. Quand je vous dis que je hais le 15e. J'y passe la journée et je m'écroule[1]
Mes symptômes se foutent de ma gueule, depuis quelques semaines. "Fais gaffe à ton coeur !" ou "Ha ! Tu crois que tu tiens debout mais regarde, tu ne tiens pas debout !"[2]
Pépins de santé étiquetés "pas mortel mais il faut s'en occuper, là."
Ils sont choux, chez SOS Médecins. "Restez près de l'interphone". LOL. Heureusement l'interphone est sur mon smartphone, posé sur moi, calée en sécurité sur mon lit entre traversins et oreillers.
J'en profite pour vous dire que je vais probablement tenter de digérer ma vie sur un bout de fichier texte au fond de mon ordinateur, pour des temps imprévisibles.
Il n'y a pas de drame, pas de gravité. Je ne fais pas la gueule, rien de mortel ne menace à court terme.
C'est juste, je crois, mieux pour moi en ce moment. Ca durera ce que ça durera, nous verrons.
Ca tourne, je vous laisse, soyez heureux comme vous pouvez, si vous pouvez. Vous savez où me trouver.
Notes
[1] Pour de vrai je n'aime pas le 15e parce que c'est l'endroit où ma grand-mère a vécu ses derniers instants de conscience, celle que j'aimais fort, celle que j'ai passé un bout de nuit à chercher d'hôpital en hôpital quand j'ai été prévenue par les secours, voilà, c'est pas plus con que ça.
[2] C'est bénin, très chiant mais bénin. C'est dans le nom, d'ailleurs, "bénin".
J'ai un sacré problème avec l'écriture en ligne, depuis quelques mois. Quelque part entre frustration, agacement, décalage immense (on y reviendra), il y a quelque chose qui ne me convient pas complètement depuis quelques temps et que je n'arrive pas complètement à identifier.
Comme, par ailleurs, ça bouge de l'intérieur, de réflexions en nouvelles blessures, de réparation en soulagements, j'erre aussi dans ma tête sans grande certitude sur l'endroit où tout ceci va me mener.
En attendant, mon corps m'appelle au calme et ma tête m'entraîne dans l'action, ma nature solitaire se braque à l'idée de parler pendant que ma partie sociable se réjouit de sorties communes.
Je vis au milieu d'une contradiction, à la fois pleine d'une certaine puissance à me dévêtir de couches superflues de l'épiderme (figurativement, bien sûr) et en plein vertige existentiel.
Mais là. Et sur aucun point obligée de décider quoi que ce soit, ni maintenant, ni plus tard. D'aucuns, âmes sensibles aux tourments du 21e siècle, trouveront sans doute que je me complais dans un état d'esprit toxique, pour moi et, allez savoir, peut-être même pour eux.
Moi ? J'appelle ça le doute, la nuance, la complexité.
Le vivre m'enrichit plus que de parler ou chercher un réconfort antalgique de court terme.
Il m'a fallu 35 ans pour comprendre pourquoi j'étais violemment heurtée par l'injustice alors que ça faisait à peine soulever une épaule à la plupart des gens. Encore quelques-unes de plus pour comprendre que notre moteur à émotions ne tournait pas au même régime. Il paraît que c'est spectaculaire, vu de l'extérieur. Mon normal étant mon normal, ça ne l'est pas de l'intérieur. C'est comme ça que je vis, depuis toujours.
Avec une grosse dose d'honnêteté vis-à-vis de moi. Ça ne m'a pas empêchée de me planter dans les grandes largeurs, et de me raconter des conneries pour que cette erreur soit tenable... jusqu'à ce qu'elle ne le soit plus.
J'ai envie que mes personnes préférées se sentent, à mes côtés, autorisées à être qui elles sont. Sans mensonges, sans peurs.
Je crois que c'est plutôt réussi du point de vue de mes enfants. Dommage, c'est maintenant que je doute : ai-je bien fait ? Ne vont-ils pas se faire démonter la tête par le monde ? J'espère que non, j'espère que je les ai aidés à construire des fondations solides sur lesquelles ils construiront leur liberté d'être, de penser, de sentir, toute leur vie.
J'ai espéré être une amie à qui on peut dire "ça ne va pas" sans honte. Une amie qui nomme quand c'est nécessaire et ferme sa gueule quand elle peut. Au sens de : ne pas expliquer aux autres comment ils devraient vivre leur vie. Vouloir leur montrer, à tout prix, ce qu'ils sont assez grands et intelligents pour voir. Quand ils voudront / pourront. À part s'ils demandent.
Je crois profondément qu'il est indispensable d'aller vraiment mal, parfois, et de le sentir passer pour être un humain fonctionnel (je ne parle pas de pathologies, je parle de savoir la vie, ce qu'elle coûte et ce qu'elle offre).
À voir le nombre de mes amis qui me prennent pour une cinglée à cause de ce que je lis ou vais voir ou accepte de ressentir, c'est un échec partiel. À voir le nombre d'entre eux, qui, avec les meilleures intentions du monde, m'expliquent ce que je ne vois pas et qui va me faire mal, en ne réalisant même pas à quel point ils nourrissent ma Bavarde et m'ajoutent du boulot de résistance à l'autosabotage, c'est un échec aussi. Et vraiment, vraiment, je ne doute pas de leur bienveillance à mon égard. Juste, ils font par rapport à eux et pas par rapport à moi. On aime comme on peut.
Ne parlons pas trop de vie amoureuse. J'aurais adoré qu'un homme se sente libre d'être un être sensible à mes côtés. De sentir pleinement, intensément, sans que ça lui enlève quoi que ce soit. Un homme qui vienne me rencontrer et se rencontrer en même temps, d'une certaine façon. Et pour qui mes émotions sont un cadeau et pas un fardeau.
Bon.
Les gens sont terrorisés par les émotions.
J'ai renoncé à pouvoir être auprès d'autres celle qui vit sans se cacher. C'est un énorme échec pour moi. Balek. La vie.
Je ne peux pas réécrire mon chemin, ni celui de ceux qui ont croisé ma vie. Elle est insignifiante, ma vie, la même que celle de bien des gens. Je croyais avoir cette richesse à offrir comme une singularité... loupé. Je tiens plus de l'épouvantail que du miroir aimant, faut croire. C'est ainsi.
Je n'en reste pas moins agacée (euphémisme gentillet) par le discours ambiant sur la sensibilité, la gestion des émotions, blablabla. Bien sûr qu'on ne peut pas se rouler par terre en hululant ses pleurs passé un âge somme tout assez jeune. Bien sûr qu'il faut laisser de la place à toutes et tous.
Mais aussi : nos émotions sont ce qui fait de nous des humains, uniques, sensibles, accessibles à la nuance, à la quête d'une forme d'équilibre entre grands et petits bonheurs, grands et petits malheurs. Alors oui, on peut avoir peur. On peut se terrer dans un coin confortable et attendre que ça passe.
Que ça plaise ou non, ça ne sera jamais mon choix.
Je ne l'impose à personne, je ne vois pas au nom de quoi je rassurerais le monde en adoptant les leurs.
Bien à l'abri, cachées sous leurs parapluies., oct. 2025